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Les TC en première ligne

La volatilité des marchés a eu pour effet d’amplifier une pression déjà forte au sein des équipes commerciales. L’enjeu est de préserver un métier qui garde plus que jamais son rôle indispensable de courroie de transmission avec le terrain.

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« Il y a eu des jours où c’était très tendu. Vous étiez depuis 8 h le matin jusqu’au soir à 17 h à faire des contrats toute la journée et, au bout du compte, vous aviez la tête comme ça. Il faut aimer cela, sinon on ne tient pas plus d’un an ou deux », retrace Jérôme Baudoin, technico-commercial chez Sevépi, à propos de la période de volatilité vécue notamment pour la commercialisation de la récolte 2022. « En sachant qu’avant, il y avait déjà eu le Covid, où on avait été bien sollicités, et que maintenant on a un risque d’effet ciseau pour 2023. Et avant cela, il y a eu 2016 qui a été une année très difficile… Pour résumer, c’est la huitième année que c’est compliqué pour les équipes commerciales, qui sont parfois rincées ! », complète Maxime Thuillier, directeur céréales d’Unéal. En plus de cela, la volatilité s’est installée sur les marchés à partir de février 2022, en pleine période de campagne commerciale sur les approvisionnements en engrais et produits phytosanitaires.

Des équipes sur les rotules

Dans ce contexte, les décisions n’ont également pas été faciles à prendre pour les TC dans leur accompagnement en matière d’achats de collecte avec de telles variations quotidiennes de prix. « Ils ont été un peu perdus à un moment donné car les adhérents leur demandaient ce qu’ils devaient faire, constate Nicolas Vermeulen, responsable d’achat de collecte chez Agrial. Mais le risque est d’orienter le discours et de porter un peu la responsabilité dans la décision si, entre-temps, le marché se retourne fortement. Ensuite, ce n’est pas simple de revenir dans la cour de la ferme… » Sans compter que dans la relation commerciale, il faut souvent jongler avec l’environnement concurrentiel autour des prix, avec toute une pédagogie à mener de ce point de vue.

« J’ai trouvé mes équipes commerciales sur les rotules à un moment donné, constate lui aussi Frédéric Ducournau, animateur de collecte chez Maïsadour. Leur charge de travail explose sur un tas de sujets. C’est aussi pour cela qu’on a mis en place des experts sur des services comme l’agriculture de précision, les engrais, les céréales… On a essayé de développer cela pour pouvoir transférer un peu la charge émotionnelle liée à la responsabilité. Le danger, c’est le sur-accompagnement des agriculteurs. » Charge émotionnelle qui reste cependant bien compréhensible du côté des producteurs. « Quand on est agriculteur, la vente des céréales, c’est notre gagne-pain ! Un TC qui se plante a toujours son salaire à la fin du mois. En même temps, c’est à nous en tant qu’agriculteur de ne pas tout miser sur un coup de poker », illustre Édouard Minier, agriculteur adhérent de la Scael.

Les limites de la polyvalence

La période a été compliquée à tel point qu’elle a même parfois questionné le rôle du TC en tant qu’acheteur de collecte. La polyvalence peut effectivement montrer ses limites. Acheter des céréales en période de volatilité est devenu ultra-complexe, alors même que, de par la nature de leur métier, les TC ne sont pas en permanence à suivre les marchés. « Chacun son métier. Moi j’achète des céréales toute la journée, mais je suis incapable de vendre des phytos ou des semences, je n’y connais rien », résume Mickaël Menguy, de Menguy Céréales Courtage. Dans ce contexte, une tendance des TC a pu être d’orienter les agriculteurs vers le service support dédié aux marchés.

« J’utilise beaucoup l’extranet de la coopérative pour mes ventes, témoigne en ce sens Édouard Minier. On sent bien que la coopérative a tendance à rediriger vers la hotline pour tout ce qui est vente ou besoin d’informations sur les marchés. De mon côté, j’attends surtout de mon TC qu’il m’accompagne dans la technique et le suivi de culture. Cela ne m’empêche pas de lui demander des confirmations sur des évènements de marché. La hotline, quant à elle, est gérée par des personnes qui sont vraiment spécialisées dans le suivi des marchés et la prise en charge des contrats. »

Travailler l’autonomie

Dans un marché de plus en plus complexe, les agriculteurs ont en effet eu souvent besoin de pouvoir s’adresser directement à ceux qui avaient l’expertise au quotidien sur ces marchés. Cependant, cela ne s’est pas vraiment traduit par une décharge de l’achat de collecte pour les TC, hormis dans quelques structures (lire p. 31). En effet, les professionnels témoignent d’un assez faible nombre d’agriculteurs en autonomie complète pour vendre leurs récoltes. Bien souvent encore, c’est le TC qui aide à remplir les contrats, quand bien même ces derniers sont signés sur l’extranet. Du côté d’Unéal ou de Maïsadour, on estime ainsi qu’entre 60 et 70 % de ces contrats dématérialisés à prix ferme sont réalisés par l’intermédiaire du TC. En outre, le TC reste la courroie de transmission indispensable pour expliquer les offres commerciales au quotidien aux agriculteurs. « Pour nous, ce sont les TC qui doivent faire le relais avec l’agriculteur sur la commercialisation des céréales. Tous les matins, on leur envoie les cotations », confirme Anaïs Begaud, des Ets Bernard.

Au-delà de ce qui peut être fait en interne dans les entreprises, un enjeu très fort est identifié pour rendre les agriculteurs plus autonomes et responsables. La volatilité a parfois exacerbé le lien de dépendance entre l’agriculteur et son TC sur la question de la vente des céréales. Or le TC ne peut pas prendre à lui seul la responsabilité des décisions des agriculteurs. Il semble donc qu’il reste encore nécessaire de responsabiliser les agriculteurs en tant que chefs d’entreprise pour pouvoir construire une vraie relation de professionnel à professionnel. « L’autonomie de l’agriculteur est un point central qu’il faut travailler, insiste Frédéric Ducournau. Les TC se mettent encore beaucoup trop à la place de l’agriculteur pour l’accompagner ou pour le sur-accompagner. Et cela, il est nécessaire de le faire évoluer. »

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